Le Crédac

Solarium et autres pièces

Véronique Joumard

Entre ombre et lumière le travail de Véronique Joumard offre souvent des parcours in situ, sorte d’horizon visuel entre crépuscule et zénith.

L’utilisation de l’électricité dans ses travaux est le reflet d’une certaine fascination pour la lumière, cela révèle aussi le cheminement d’une curiosité pour le jeu de démontage d’appareil électrique en tout genre. C’est « Essayer de comprendre comment cela marche en démontant l’appareil, en le découvrant ». L’artiste crée des zones sensorielles habitées d’objets domestiques. Souvent proche de l’illusion, située à la lisière du design, de l’architecture et du cinéma, il y a constamment quelque chose de l’ordre de l’expérience dans ses œuvres.

Le travail de Véronique Joumard s’inscrit dans la filiation de l’art minimal et conceptuel en ce qu’il invite le spectateur à expérimenter physiquement un espace ou à s’interroger sur les conditions d’apparition et de production de la sculpture.
La lumière a été traditionnellement en art l’un des sujets de la peinture, notamment en tant que moyen de composer un espace. Là il s’agit de l’usage littéral de la lumière électrique comme matériau et non plus comme sujet. Tour à tour naturelle et artificielle, ce qui est montré n’est jamais ce que l’on voit, simplement suggérer l’omniprésence impalpable et invisible de cette tension lumineuse.

Au-delà de l’emploi direct de la lumière il est question de sa présentation plutôt que de sa représentation. Il faut noter dans le travail de Véronique Joumard la mise en évidence des éléments permettant l’apparition de la lumière : câbles, prises de courant… Dans la vaste salle d’exposition du deuxième sous-sol du centre d’art, l’artiste propose un cube lumineux, intitulé Solarium. Le dispositif est visible et forme un puits de lumière provoquant un effet de réflexion sur le sol. Dans l’espace public comme en peinture, le but de ces dispositifs est d’augmenter le champ du visible, mais également de mettre à nu les systèmes de l’énergie ordinaire. Elle prolonge le travail « in progress » du matériau dans un rapport à l’architecture du lieu.
Ce procédé se retrouve dans les œuvres de Dan Flavin qui qualifie son art de « situationnel », signifiant qu’il est directement lié au contexte architectural. L’œuvre ne consiste pas seulement en l’installation de tubes fluorescents mais inclut aussi l’espace où elle est présentée. La lumière se répand dans celui-ci et le transforme en une zone intense de perception qu’elle modifie.

Dans une autre salle d’exposition, Véronique Joumard crée une sorte de pellicule terrestre en lévitation à l’aide de pierres suspendues, manière d’intégrer le minéral et l’empreinte extérieure, au milieu d’un espace totalement aseptisé.
Proche de l’univers de cet autre artiste, Olafur Eliasson, l’idée de l’intégration de la nature semble se joindre inévitablement au travail de Véronique Joumard. Chez Eliasson comme chez Joumard, les œuvres éveillent, tour à tour, l’aptitude à percevoir véritablement une terre, un ciel, des murs (au sens propre comme au sens figuré). Cette gymnastique de l’esprit et du corps ouvre doucement la capacité à « re-sentir ». Les pierres accrochées au bout d’un ressort, accroché au plafond, mettent en branle un sentiment d’oscillation dans l’exposition entre mur, sol et plafond. Cette ambivalence entre spectateur et œuvre se décrit au moment de l’entrée du corps dans les sculptures. Sculptures naturelles déroutées par l’absence du socle.

Des peintures qui évoluent dans le temps, qui changent d’aspect, des lumières qui se déclenchent au passage des visiteurs ou lorsque ceux-ci émettent un bruit, des pièces électriques qui racontent leur origine : avec tous ces travaux, l’espace de l’art se transforme discrètement en un plateau ou une scène, une succession d’événements prenant place dans le temps autant que dans l’espace.
La source lumineuse présente pratiquement dans toutes les œuvres présentées au centre d’art n’est donc pas toujours un objet susceptible d’être regardé, elle peut aussi aveugler, détourner le regard, faire espace, comme un point focal, un impact rétinien. La lampe n’éclaire pas l’œuvre, elle ne fait pas partie de l’œuvre, elle est l’œuvre.

Vidéo(s)

Film de l’exposition © Claire Le Restif / le Crédac

Biographie artiste

  • Née en 1964 à Grenoble, France.
    Vit et travaille à Paris, France.

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