Le Crédac

Cursif

Renée Levi

Avec force et intensité, le travail artistique de Renée Levi a toujours attiré mon attention et a suscité à chaque étape mon intérêt. Elle est de ces artistes dont l’œuvre permet d’élargir et de redéfinir avec vigueur le champ de la création et plus précisément, la concernant, celui de la peinture.
Renée Levi a longtemps été identifiée grâce à la peinture au spray qu’elle utilisait directement au mur ou sur toiles ; une peinture au format de la fresque, où le geste tenait déjà de l’écriture, de la biffure cursive, de griffures, voire de ratures nerveuses.

Depuis le début de son engagement artistique, l’espace joue un rôle central. Elle conçoit des œuvres élargies à l’espace du spectateur (mental et/ou physique), modifiant ainsi sa propre perception. La grandeur du format n’est pas choisie pour imposer une forme d’autorité. C’est l’espace qui l’indique.
Aujourd’hui, après avoir réalisé de nombreuses expositions, dont d’importantes rétrospectives, Renée Levi continue sa peinture en renouvelant son geste et ses outils. Elle continue à s’intéresser à l’abstraction, question qui, selon elle, n’est pas achevée.
Au Crédac, elle expose ses dernières œuvres. Depuis 2008, le spray a cédé la place à d’autres outils d’application de la peinture, les couleurs fluo sont remplacées par d’autres gammes de couleurs comme dans cette exposition par exemple : le blanc, le noir ou encore le bleu. Là où la poudre projetée par le spray était plus instable, les contours et les bords du trait étaient insaisissables, Renée Levi prépare désormais ses pigments et renoue avec l’épaisseur de la peinture. Les interventions murales disparaissent au profit de toiles sur châssis, mais cette fois en très grands formats placées dans l’espace. Ce qui persiste dans son travail et demeure une priorité, c’est le mouvement des spectateurs d’une œuvre à une autre, le même épuisement de la matière déterminant l’arrêt du geste et l’espace. Ce qui me passionne également dans son travail, c’est la présence de signes élémentaires véhiculés dans la mémoire collective depuis la nuit des temps et qui soulignent des énergies ; des signes et des gestes premiers et fondamentaux.
L’exposition porte le titre de Cursif, qui veut dire tracé à la main, qui est relatif à la course, à la vitesse, dans l’écriture ou la lecture, et qui relève un caractère rapide, bref, véloce, impératif. En allemand, kursiv signifie « italique ».
En dialogue avec les grandes toiles, qui portent le geste de l’artiste, sont accrochés des petits dessins contenus entre deux couches de plexiglas. Ces petits trésors, hier encore anonymes, aujourd’hui signés au cœur par un signifiant « ée », sont des tests de dessins glanés dans les papeteries. A contrario, les carnets glanés eux aussi sont exposés dans leur intégrité, sans intervention de l’artiste. Ces dessins intimes, tracés automatiquement, sans autre intention que de tester l’outil, affichent l’essai, l’instinctif et le primitif. Ils participent à l’inspiration visuelle de l’artiste qui aime reconnaître en eux l’instant où rien n’est calculé et où s’incarne l’être humain.
Christian Bernard déjà, analysant l’œuvre de Renée Levi, la qualifiait de « peinture au dessin1». C’est dans cette question du trait et du dessin que se situe, se pense et se met en place Cursif, importante étape dans l’investigation de l’artiste suisse. Elle affirme que pour elle les petits tests glanés, choisis, sélectionnés, signés et aujourd’hui exposés ont autant de valeurs que chacun de ses tableaux. Elle réanime la question de la signature et des choix assumés. Ainsi chaque tableau est un lieu, chaque dessin est un lieu, chaque couleur est un lieu.
En regard de sa peinture, Renée Levi propose trois images photographiées. Tout d’abord l’image du carton d’invitation où l’artiste disparaît derrière le rideau de sa chevelure. Ensuite la photographie du sommet du crâne de Renée Levi est placée devant le Crédac, dans l’espace public, au format de l’affiche publicitaire. La troisième image est placée à l’intérieur de l’exposition, dans la petite salle du Crédac, à l’endroit même où elle fut exposée en juin dernier dans l’exposition de multiples intitulée Le Carillon de Big Ben. Sur cette image Renée Levi figure, le soleil dans les yeux, devant une benne contenant les restes d’une installation détruite.

  1. dans Kill me afterwards, Museum Folkwang Essen, 2003

Vidéo(s)

Film de l’exposition © Claire Le Restif / le Crédac

Ressources pédagogiques

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