Le Crédac

Grounded

Vincent Lamouroux

L’installation Grounded (c’est-à-dire arrimé au sol) est un espace d’expérimentation à la fois physique et imaginaire, nourri de références formelles provenant aussi bien des avant-gardes que de la science-fiction cinématographiée.

À travers une construction in situ, Vincent Lamouroux propose une réponse née de sa propre perception de l’environnement architectural auquel il est invité à se confronter. Grounded est une installation pensée pour un espace aveugle issu de l’utopie de l’architecte Jean Renaudie, au même titre que l’ensemble immobilier auquel il appartient. Aperçu en plongée, le centre Jeanne Hachette (1970-1975) dans les fondations duquel est abrité le Crédac, offre un ensemble de petites terrasses en étoiles, îlots de verdure entre ciel et terre - dont les recoins triangulaires permettent de multiplier les perspectives sur la ville.

Grounded pourrait être envisagée comme un fragment aplani du Garden of Eden de Buckminster Fuller (inventeur dans les années 1970 des dômes géodésiques), réinterprété par l’artiste non au sein d’un paysage, mais d’un environnement parfaitement clos, initialement prévu pour être une salle de cinéma.
La triangulation d’éléments bruts réunis au sein du même espace (une grille suspendue, un cercle de lumière, un sombre monochrome mural comme allusion à une projection panoramique éclipsée), transforme la « boîte » cinéma - telle que la qualifiait Smithson et apparentée par Jean-Pierre Criqui à « … une sorte de vaisseau immobile où l’espèce humaine vient s’oublier dans la contemplation d’un monde de substitution. »1 - en une « boite » visuelle, créant ainsi les conditions d’un jeu entre intérieur et extérieur se faisant écho pour mieux laisser résonner le volume d’exposition. À mesure que le visiteur appréhende cet espace aveugle au sol incliné, il découvre au sein de l’univers structuré et vacillant dans lequel il est plongé, le potentiel décor d’une production cinématographique dont il ne sait rien mais au cœur de laquelle il devient, par la force des choses, l’un des essentiels protagonistes.

Grounded exprime la volonté de l’artiste de donner corps à ce qu’il qualifie lui-même de « retro-futur » : une mise en forme contemporaine de projections utopistes, architecturales et cinématographiques, qui visent à recréer une idée du futur telle qu’elle aurait pu exister, à un moment précis de l’histoire, alors que ce futur est à présent déjà dépassé.

Vincent Lamouroux utilise des matériaux usinés, ayant une forme neutre afin de respecter les notions de masse, de pesanteur, de densité… des caractéristiques que le spectateur doit pouvoir ressentir naturellement face à ses œuvres.

Même si Grounded se situe dans un espace d’exposition et non dans la nature, sa monumentalité et sa spécificité in situ la rapproche également des sculptures-architectures du Land Art. Des artistes issus de ce mouvement, comme Michael Heizer ou Robert Smithson, ont réalisé dans les années 1970 des installations où la relation entre la dimension physique de l’œuvre et celle du corps du spectateur entraîne un jeu d’échelles.

Le spectateur est alors confronté à une sorte d’incertitude entre orientation et désorientation.

Claire Le Restif

  1. Jean-Pierre Criqui, « Un trou dans la vie (Robert Smithson va au cinéma) » dans Un trou dans la vie*, éditions Desclée de Brouwer, Paris, 2002, p.103

Vidéo(s)

Film de l’exposition réalisé par Claire Le Restif © Le Crédac

Biographie artiste

  • Né en 1974 à Saint-Germain-en-Laye, France.
    Il vit et travaille à Paris, France.

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