Le Crédac

The Blue One Comes in Black

Liz Magor

Commissariat : Claire Le Restif et Nigel Prince

Artiste majeure de la scène artistique contemporaine canadienne, Liz Magor puise ses idées dans les croyances, réactions et comportements humains, particulièrement quand ils ont trait au monde matériel. Elle s’intéresse aux vies sociales et émotionnelles des objets ordinaires, affectionnant particulièrement les matériaux qui ont perdu le lustre de leur usage ou fonction d’antan. Les choisissant pour leur capacité à renfermer et à refléter les histoires, comme les identités personnelles et collectives, Liz Magor révèle une résonance dépassant leur simple fonction utilitaire par le biais de transformations et de déplacements.

La pratique artistique de Liz Magor débute il y a une quarantaine d’années. Cette longue période a vu de grands changements dans la recherche artistique, depuis la dématérialisation de l’objet d’art jusqu’à sa re-matérialisation, l’éloignement de l’atelier jusqu’à sa récente réaffirmation et un intérêt renouvelé pour les matériaux et le faire. Pendant toute cette période, l’artiste a maintenu sa pratique d’atelier, là où elle interroge les choses qui partagent le même espace temps que son propre corps. Comme elle le dit dans le catalogue de sa récente rétrospective au Musée d’art contemporain de Montréal 1, elle est passée « des mots au visible, de l’idée à l’objet » car « ce fut un long processus, et c’est à l’atelier que ce changement s’est opéré. Aujourd’hui il me faut l’espace concret de l’atelier pour examiner le monde. Il ne suffit plus de regarder. J’ai besoin de transformer les choses afin de mieux capter et comprendre les propriétés constitutives des matériaux et des procédés formant les objets du monde. Puisque toutes ces choses portent déjà une empreinte sociale, c’est un peu comme si je faisais entrer le monde par bribes dans l’atelier ».

Grâce à cette expérience, Liz Magor a décidé d’explorer et d’absorber le monde, de l’expérimenter avant de commencer à conceptualiser. « Pour mon usage, les objets peuvent être divisés en deux catégories : ceux qui proviennent du monde et ceux que je réalise à l’atelier ». Les objets qu’elle choisit d’intégrer à son travail sont en fin de vie, sales, cassés, en rébellion, dévalués, démodés, stupides. Elle traque leur lente détérioration liée à la sphère domestique puis les soigne et les conduit lentement vers une attraction nouvelle.

« Ce qui m’intéresse, c’est l’influence de ce qui est fabriqué dans l’atelier sur ce qui est trouvé. Par un phénomène mystérieux, les objets trouvés s’animent vraiment lorsqu’ils sont en présence de la représentation sculpturale de quelque chose d’ordinaire ».

Ses œuvres, qu’elle dit conçues, créées et polies par le jeu des contradictions, semblent restituer les antagonismes qui tourmentent, mais qui participent aussi à la vitalité de l’existence. C’est en travaillant à partir de moulages hyper réalistes d’objets ou de vêtements quotidiens, en reprisant et protégeant des objets choisis pour leur apparente désuétude, en réalisant des négatifs d’objets ou des fac-similés (deux procédés liés à la reproduction) que Liz Magor nous alerte. À travers ce réveil d’un monde matériel anonyme, on lit une certaine histoire de notre culture moderne : de la propriété au besoin de protection et d’accumulation, de l’ambiguïté et de l’inconstance du désir qui nous lie aux objets.
L’artiste garde une « photographie » des objets pour longtemps, en en stoppant net le processus de corrosion et d’effondrement. Car la sculpture a fortement à voir avec le temps, et celle de Liz Magor qui négocie sans cesse avec de la matière « oxydée » a quant à elle à voir avec l’idée de stopper le temps, de stopper la mort. De ses associations nouvelles entre les objets, Liz Magor recrée de la vie, sans créer de nouvelles histoires puisqu’elle ne souhaite pas donner à ses assemblages de significations particulières. Il n’y a aucun romantisme dans sa démarche, peut-être seulement une légère nostalgie. Il n’y a pas non plus de « régionalisme » puisqu’elle choisit ses matériaux là où elle travaille.

Liz Magor sait que le regardeur ne fait pas toujours la différence entre une chose réelle et une sculpture. Elle cherche cet espace d’erreur entre le manufacturé et le réel, là où peut se jouer une déconnexion avec la réalité.

  1. Liz Magor, 2016. Catalogue de l’exposition Habitude au Musée d’art contemporain de Montréal (22 juin-5 septembre 2016)

Vidéo(s)

Film de l’exposition, réalisé par Bruno Bellec. © Le Crédac, 2016.

Documents

  • Feuille de salle — THE BLUE ONE COMES IN BLACK, Liz Magor
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  • Communiqué de presse — THE BLUE ONE COMES IN BLACK, Liz Magor
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Ressources pédagogiques

  • Réflex nº31 — THE BLUE ONE COMES IN BLACK, Liz Magor
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Biographie artiste

  • Liz Magor est née en 1948 à Winnipeg au Canada, elle vit et travaille aujourd’hui à Vancouver.

    Produisant depuis plus de 40 ans, Liz Magor a eu de nombreuses expositions personnelles parmi lesquelles : Habitude (rétrospective) au Musée d’art contemporain de Montréal (2016) ; You be Frank, and I’ll be Earnest (duo avec Alisa Baremboym) à Glasgow Sculpture Studios (2016) ; Surrender, Iskowitz Award, Art Gallery of Ontario, Toronto (2015), Six Ways to Sunday #06, Peep-Hole, Milan (2015) ; Liz Magor : A Thousand Quarrels, Presentation House Gallery, Vancouver (2014) ; No Fear, No Shame, No Confusion, Triangle France, Marseille (2013) ; I is being This, Catriona Jeffries, Vancouver (2012). Elle a représenté le Canada à la Biennale de Venise (1984) et participé à la documenta 8 à Kassel (1987).

    En 2015, elle a reçu le prix Gershon Iskowitz, et en 2009, le prix Audain Arts Visuels pour l’ensemble de sa carrière.

    Par ailleurs, elle a également enseigné dans différentes écoles à travers le Canada, incluant l’University of British Columbia, Ontario College of Art and Design, et Emily Carr Institute of Art and Design.

Biographie commissaire

  • Nigel Prince est directeur de la Contemporary Art Gallery, Vancouver

Partenariats

Cette exposition est conçue en collaboration avec la Contemporary Art Gallery, Vancouver (Canada) ; et Peep-Hole, Milan (Italie).
Elle est soutenue par le Centre culturel canadien à Paris ; Canada Council for the Arts International Touring Program, The Province of British Columbia / International Touring Initiative et BC Arts Council Touring Initiative Program.
Partenariat média : Cura., Le Journal des Arts
Partenariat vernissage : Grolsch

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