STRETCH
Alexandra Bircken
« La peau est notre plus grand organe et aussi ce que nous voyons quand nous nous regardons. Ce que nous avons de plus profond, c’est la peau. Notre vulnérabilité s’y dessine. La douleur. Notre peau participe à chacun de nos mouvements. S-T-R-E-T-C-H. Toute une vie durant. Imaginez. À chaque mot, nos lèvres s’étirent. Nous avons l’habitude de percevoir nos corps et les objets comme un tout, avec une couche, une housse. Et le choc n’est pas loin quand ce revêtement qui protège, habille, cache et représente est absent ou coupé en deux et se révèle. C’est drôle, non ? Je m’intéresse à la structure, à la nature, à la fonction qui devient alors visible. Qui recèle une vérité. Une authenticité. Quand on fait une incision dans la peau, on peut la recoudre. Le corps guérit et fonctionne de nouveau. Mais il reste une cicatrice qui rappellera la blessure pour toujours. Le corps est alors autre. Je suis autre. »
« Alexandra Bircken en conversation avec Claire Le Restif, Kathleen Rahn et Susanne Titz » (extrait) dans Alexandra Bircken, STRETCH. Catalogue des expositions au Kunstverein Hannover, Museum Abteiberg, Mönchengladbach, Le Crédac, Ivry-sur-Seine, éd. Walther König, Cologne, 2017.
Après l’exposition Mental Archaeology (Matti Braun, Thea Djordjadze et Jean-Luc Moulène) organisée conjointement au Kunstverein de Nuremberg et au Crédac en 2010 avec la commissaire Kathleen Rahn, c’est le travail d’Alexandra Bircken qui nous permet cette nouvelle collaboration. En effet, le Crédac accueille, après le Kunstverein de Hanovre et le Museum Abteiberg de Mönchengladbach en Allemagne, la première exposition personnelle d’Alexandra Bircken en France et contribue au catalogue édité à cette occasion.
Ce qui force l’attention dans le travail sculptural d’Alexandra Bircken c’est à la fois sa force plastique, son actualité et sa volonté d’adopter une neutralité de genre que l’on pourrait s’aventurer à qualifier d’« androgyne ». Tout autant de sujets qui traversent depuis quelques années le programme du Crédac.
Il y a beaucoup à dire sur le parcours de l’artiste. Elle s’est d’abord intéressée à la création, par le biais de la mode, en étudiant dans les années 1990 au prestigieux Central St Martins College de Londres, puis en créant son propre label avec Alexander Faridi. Marquée par ses diverses expériences, l’œuvre qu’Alexandra Bircken poursuit aujourd’hui est très liée à l’actualité politique : « Comment peut-on être indifférent aux nouvelles qui nous atteignent tous les jours » ? livre-t-elle dans l’interview menée conjointement par Kathleen Rahn, Susanne Titz et moi-même dans le catalogue. Ses œuvres évoquent également ce qui depuis longtemps l’habite : la mise au jour du fonctionnement d’un objet, son intimité, la manière dont il est construit ou assemblé, qu’il s’agisse d’un vêtement, d’une moto ou d’une arme à feu. Chacun d’entre eux a son mode d’emploi et ses caractéristiques, son identité, comme le corps a son propre fonctionnement.
Ainsi lorsqu’elle opère une coupe quasi chirurgicale pour créer certaines de ses sculptures à partir d’objets existants, non seulement elle les désactive mais elle les revalorise.
Si elle a pour leitmotiv le traitement du corps et du vêtement, ses expérimentations avec les matières révèlent un intérêt pour l’étude du corps et de la peau en tant qu’organe, habit, structure cellulaire, frontière d’une extrême vulnérabilité entre l’intérieur et l’extérieur. Les mannequins, les vêtements, les combinaisons accidentées des motards, les armes, les motos sont présentés, coupés et incisés comme des écorchés. Toutes les situations spatiales mises en œuvre par Alexandra Bircken mettent en exergue l’interaction entre l’humain et la machine, sujet contemporain central et omniprésent, en perpétuelle évolution depuis la révolution industrielle et qui aborde un siècle plus tard à la fois le cyborg (issu de l’anglais cybernetic organism), un être humain ayant reçu des greffes de parties mécaniques et le replicant (terme employé pour la première fois dans le film Blade Runner), plus proche du clone humain que du robot, ébranlant la condition humaine et la question du genre.
Le titre générique des trois expositions STRETCH parle de lui-même. Nous portons des vêtements et nous construisons des maisons car notre peau est trop fragile pour nous protéger. Ce qui nous touche et nous pénètre dans l’œuvre d’Alexandra Bircken, c’est que notre perméabilité et notre pénétrabilité font de nous des humains.
Claire Le Restif
Vidéo(s)
Film de l’exposition, réalisé par Florence Weyne Robert. © Le Crédac, 2017.
Documents
- Feuille de salle — STRETCH, Alexandra Bircken122.4 KB / pdfTéléchargement
- Dossier de presse — STRETCH, Alexandra Bircken1.12 MB / pdfTéléchargement
Ressources pédagogiques
- Réflex nº34 — STRETCH, Alexandra Bircken6.02 MB / pdfTéléchargement
Biographie artiste
Alexandra Bircken (née en 1967 à Cologne) met au cœur de sa pratique sculpturale le corps et ses enveloppes. Formée au stylisme au St. Martins College à Londres, elle coupe, sépare, détache, déchire et démembre autant qu’elle coud, tisse, tricote et assemble. Dans son corpus d’œuvres, l’apparente fragilité de matériaux doux et transparents — laine, nylon, cheveux — côtoie la permanence et la résistance du bronze et de l’acier. Les moulages d’organes féminins comme les combinaisons accidentées de motards se transforment en fragments de corps autonomes. Archétypes de la puissance, les motos et les armes à feu sont sculptées et sectionnées, désactivant et revalorisant leurs iconiques performances. http://alexandrabircken.com/
Partenariats
Première exposition personnelle d’Alexandra Bircken en France, STRETCH a été conçue conjointement par le Kunstverein de Hanovre, le Museum Abteiberg, Mönchengladbach et le Crédac.
Cette exposition reçoit le soutien de l’IFA
Partenariat média : Mousse
Partenariat vernissage : Grolsch, Les Nouveaux Robinson