Noémie Sauve & Meredith Root-Bernstein
L'activation du monde
Le duo composé de Noémie Sauve — artiste et professeure — et Meredith Root-Bernstein — écologue, ethnobiologiste et chercheuse CNRS au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) — a été sélectionné pour la session 2024-25 de la résidence de recherche et d’expérimentation du Crédac. Cette session dédiée à la rencontre entre l’art et les sciences, est menée en collaboration avec la Direction des Affaires Culturelles de la Ville d’Ivry.
Noémie Sauve et Meredith Root-Bernstein s’intéressent à l’origine de la vie en adoptant une nouvelle lecture des outils et des protocoles scientifiques habituels (tableau des éléments, distribution hiérarchique des études biologiques, chimiques et physiques, attribution de caractères volontaires des organismes…). Depuis la création de la Terre jusqu’aux observations des milieux qui nous entourent, leur projet intitulé L’activation du monde propose de donner naissance à des visions expérimentales à travers le dessin et la sculpture, en croisant les regards artistique et scientifique. Le projet vise à mettre en lumière le dynamisme, l’instabilité, et les libertés des formes prises par la vie lorsqu’elle s’active, loin des représentations statiques.
Noémie Sauve et Meredith Root-Bernstein mettent en place une circulation des savoirs et des expériences, inspirés de leurs terrains actuels et précédents (biologie des populations et écologie, sciences du végétal, biodiversité des récifs coralliens, influence chimique des activités volcaniques, géomagnétisme…). Avec la participation de quelques invité·e·s d’horizons très variés, s’intéressant tout particulièrement à ce qui échappe à la classification, elles envisagent de donner forme à un projet qui restitue la complexité du monde et qui ne limite pas l’écologie aux terrains auxquels on l’assigne.
Au fil de nombreuses collaborations avec des scientifiques, Noémie Sauve a pu constater le rôle décisif que joue, pour la méthode scientifique, la séparation entre la matière qui sert de support à une information et la substance qui l’active ; entre la matière et le processus. Son engagement sur les sujets d’écologie globale l’a amenée à s’intéresser aux rapports entre la conservation et le vivant, entre le capital conservé dans un répertoire, un index, et son activation, sa mise en circulation.
Meredith Root Bernstein s’intéresse à cette même dichotomie, depuis le point de vue situé des disciplines de conservation de la nature, où ces deux dimensions peuvent parfois être présentées comme des antagonistes.
Réunies grâce à leur projet de résidence au sein de l’atelier de recherche du Crédac, elles vont mener un dialogue autour des recherches scientifiques de Meredith Root-Bernstein sur l’évolution, notamment en suivant la piste du ribosome — la molécule qui active l’ADN — et ses implications pour toute les échelles du vivant, jusqu’à l’écologie. Un échange fécond peut alors se développer, marqué par de multiples résonances en matière de méthode, avec un primat accordé à l’observation.
Artists biography
Née à San Diego (Californie) en 1982. Vit et travaille à Paris. Meredith Root-Bernstein est ethnobiologiste et écologue.
Après un doctorat en écologie en 2012, et plusieurs post-docs, elle est depuis 2020 chercheuse au CNRS, basée à l’UMR CESCO au sein du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN). Ses recherches interdisciplinaires portent sur les implications évolutionnaires de l’origine de la vie pour la compréhension et la gestion des échelles plus grandes et des étapes plus complexes et diversifiées, qui sont les systèmes socio-écologiques. En plus des réflexions conceptuelles et théoriques, elle travaille principalement sur le terrain, menant des recherches relevant de l’histoire naturelle ou avec des méthodes liées à l’observation.
Elle travaille concrètement sur les relations et interactions homme-milieu, la géographie et l’anthro-pologie des non-humains ou des plus-que-humains, l’écologie des perturbations et des successions dans les habitats anthropiques, et le ré-ensauvagement.
Elle travaille depuis de nombreuses années dans le centre du Chili, où elle a cofondé l’ONG Kintu pour soutenir son projet de réintroduction de guanacos (lamas sauvages) comme forme de restauration naturelle. Depuis 2020, elle enseigne le design pour les interactions entre humains et non-humains et des ontologies de la nature dans le cadre du programme de maîtrise GEODesign de l’Académie de design d’Eindhoven. Depuis longtemps, mais en particulier depuis son arrivée en France en 2017, elle collabore avec divers artistes et designers sur une variété de projets d’art-science et d’art environnemental.Née à Romans (France) en 1980. Vit et travaille à Paris. Artiste autodidacte, Noémie Sauve pratique le dessin et la sculpture, explorant la plasticité des matériaux (métal, verre, terre, papier) et des techniques (dessin, électrolyse, etc.) pour donner forme à ses enquêtes artistiques qui portent sur la complexité du vivant et sur nos manières d’y répondre sur le plan théorique - dans les discours scientifique - et politique (ou pratique) - dans nos modes de gestion et de conservation de la nature. Son inspiration commence toujours au contact d’un terrain, qu’il s’agisse d’expéditions scientifiques (résidence Tara 2017 et Vulcano 2021), d’études iconographiques qui mêlent nos gestes humains à l’histoire de la physique du globe (archéomagnétisme 2024-26) ou d’engagement dans des collectifs comme au sein du foyer fermier Clinamen (93) où elle porte la création du Fonds d’Art Contemporain Agricole (FACAC). Nourrie de dialogues avec des scientifiques, sa recherche plastique navigue librement entre les registres naturaliste et fantastique pour créer des œuvres qui, sur le mode de l’analogie et du détournement, nous invitent à l’émerveillement et à l’enquête à propos des autres vivants.
Elle est également professeure de dessin et matériaux à l’ École Superieure d’Art et de Design TALM Le Mans et aux Ateliers Paul Flury à Montreuil (93).