Table des invité·e·s
Chantal Crousel
CHANTAL CROUSEL
Fondatrice de la galerie Chantal Crousel à Paris
Vanité, 2020
Photographie et textes
Mortier en marbre, Ier-IIe siècle avant J.C, inachevé.
Baelo Claudia (Tarifa, Espagne)
« Cet été, en visite au Conjunto Arqueológico de Baelo Claudia, Bolonia (Tarifa), Andalousie, j’ai été happée par cet objet insolite, blessé en cours d’émergence : un mortier en marbre blanc veiné de zones roses. Sa fonction déjà bien tracée et lisible à travers les époques et les cultures. A moitié creusé, en une fraction de seconde, une faille dans la pierre rend tout aboutissement impossible. C’est ainsi qu’il s’offre à notre regard, à notre mémoire, blessé et éternel. Vanité. » | C.C.
La muséographie d’un objet archéologique est censée répondre à plusieurs critères : d’une part la conservation d’un objet peut-être exceptionnel, et de l’autre : son exposition — qui à son tour fait partie d’un discours et/ou d’un message que l’on souhaite transmettre, et où la pièce interagit et se fait l’interlocuteur entre le projet muséographique et l’observateur. Le discours muséographique peut être homogène avec l’ensemble de la collection, basée sur une période historique ou sur un site concret. Toutefois, la spécificité de l’objet — l’objet en soi — peut dépasser, voire surpasser le discours générique, en approfondissant des aspects qui vont au-delà de ceux purement stylistiques et esthétiques. Il est capable de rompre des paradigmes sociaux établis, et de dépasser des frontières à travers un voyage dans le temps, enfoui dans la mémoire collective de la société.
Notre recherche et notre présentation a consisté à montrer le caractère intemporel de l’objet, son utilisation comme lien entre l’antiquité et le présent, et qui part d’une technologie multiculturelle et reconnaissable dans sa fonctionnalité par n’importe quelle société.
Un élément qui n’a pas eu besoin d’évoluer pour rester fonctionnel — caractéristique intrinsèque — véhicule de mémoire, de quotidienneté et d’adaptation. Un objet non substituable, et en équilibre avec la haute technologie. L’objet et son objectif. Chercher et réveiller la conscience face à l’inexistence des différences imposées. En tracer les ressemblances dans le quotidien et dans l’universel.
L’identification de cet objet — malgré qu’il soit inachevé, qu’il n’a pas atteint sa fonctionnalité — non seulement nous montre la fragilité dans son aboutissement et en même temps l’habileté de sa réalisation. Mais aussi le concept de la mémoire collective subconsciente, d’un élément présent et permanent depuis des millénaires.
Iván García-Giménez — Archéologue